On a roulé avec le Bastille, vélo pliant français à grandes roues
Découverte du Bastille, vélo français innovant, en compagnie de son créateur : Gilles Henry. L’occasion de voir, toucher et rouler avec ce vélo au système de pliage unique.
En bref :
- Nous avons pu discuter du projet de grand vélo pliant Bastille avec son créateur, Gilles Henry, et même rouler avec en sa compagnie.
- L’occasion d’une première prise en main enthousiasmante, avec un vélo plein de bonnes idées.
- Le Bastille sera vendu 2590€ et les premiers exemplaires seront livrés mi-2024, 9 ans après les premiers coups de crayon.
En vous présentant l’intrigant vélo pliant Bastille début octobre, nous ne pensions pas avoir l’occasion de discuter de sa genèse, se faire enseigner son pliage/dépliage et rouler dessus avec son créateur, Gilles Henry, aussi rapidement. C’est pourtant le privilège que nous avons eu en cette fin de mois de novembre. On vous explique.
Accueillis par l’équipe de Bastille Cycles à deux pas de la Madeleine, à Paris, nous nous retrouvons vite à parler vélo avec Gilles Henry, créateur du Bastille également connu pour être l’inventeur de la fameuse poussette Yoyo ultracompacte. Il faut dire que l’on arrive sur la selle d’un Btwin Fold 1 Seconde que nous sommes en train de tester. En nous voyant le plier, l’inventeur est très attentif (il ne résistera pas à l’envie de monter dessus pour quelques tours de roues un peu plus tard dans l’après-midi).
Plier un vélo dans le plus petit espace possible
Cet amoureux de vélo et de systèmes de pliage, passionné, avec lequel nous avons pu longuement échanger, commence par la genèse du projet. On l’interroge forcément sur le temps de développement du vélo, sachant que c’est un projet dont les premières idées remontent à 2015. « La poussette Yoyo était lancée. Je n’avais pas directement de fonction chez Babyzen, au-delà d’être associé dans l’aventure. J’avais donc du temps pour penser à autre chose et c’est le vélo qui m’attirait. J’avais envie de voir si on pouvait mettre un coup de pied dans la fourmilière et inventer un système de pliage/dépliage plus pratique et abouti que ce qui se faisait », nous explique-t-il.
Pointant du doigt un vieux prototype de ce qui deviendra le Bastille imprimé en 3D et accroché au mur, Gilles Henry désigne les points de pivot clés sur lesquels ils se concentre rapidement. « En réalité, avant même de penser pliage, j’ai pensé volume. Quel est le plus petit espace dans lequel peut tenir un vrai vélo ? J’ai dessiné un carré autour de la roue, imaginé deux roues parfaitement alignées l’une derrière l’autre, la manière dont le cadre, le guidon et les pédales pourraient prendre le moins de place possible, et j’ai travaillé pour parfaire la solution », décrit-il.
Ce sont ainsi des centaines d’heures, d’essais et de travail sur chacune des pièces clés du dispositif de pliage que consacre le créateur, avant de montrer son idée à un ami, Julien Leyreloup, fabricant de vélo et fondateur des Cycles Victoire. « Il a trouvé le concept étonnant et accrocheur, mais a qualifié le prototype que j’avais à l’époque d’affreux vélo », se rappelle Gilles Henry en riant.
Il reconnaît d’ailleurs sans mal n’avoir, au départ, aucune idée de la manière dont on fait une géométrie de vélo qui fonctionne : « Julien a été un appui précieux à ce niveau là. Grâce à lui, nous arrivons au vélo que vous voyez : un vélo qui coche les cases du cahier des charges que je m’étais fixé au départ, facile à plier, de taille normale, avec le moins d’encombrement possible, mais qui est aussi – et ce n’est pas rien – un vrai bon vélo ».
Plus roulant qu’un petit pliant, moins contraignant qu’un vrai vélo
Nous l’interrogeons alors sur le concept. Un vélo pliant, généralement, c’est plus petit et plus léger, car c’est un vélo que l’on va vouloir transporter facilement. « Mais ces vélos là ne sont pas très agréables à rouler. Nous, on pense avoir une solution qui est le meilleur des deux mondes : un vrai vélo roulant et agréable lorsqu’on pédale, mais qui réponde aussi aux exigences de place, de lutte contre le vol et d’intermodalité », nous arrête Gilles Henry.
Toute l’équipe de Bastille l’utilise depuis un moment au quotidien pour le mettre à l’épreuve et les témoignages que l’on entend au gré de la discussion sont rassurants : « le vélo prend parfaitement le TGV » ; « je ne gène plus les autres usagers dans le RER et peut monter dans ma rame même aux heures de pointe » ; « je peux stocker facilement le vélo dans un coin de mon petit appartement, je n’ai pas peur de me le faire voler la nuit ». Autant d’assertions pratiques qu’il nous tarde de vérifier.
Avant de descendre l’essayer, nous prenons un cour de pliage/dépliage. Vous connaissez sans doute l’effet Bonaldi (enfin, ceux qui ont connu Nulle Part Ailleurs). Eh bien il n’a absolument pas eu lieu. Le créateur maîtrise le geste sur le bout des doigts et il ne nous a fallu que 2 ou 3 répétitions pour faire presque aussi bien. Il faut dire que tout est bien pensé.
« Je voulais un système sans pièce à retirer. Sans échec possible. Avec des étapes simples et qui soit guidé par le produit », nous dit le créateur. Banco, ça marche parfaitement. Les pédales qui viennent se bloquer toutes seules dans la bonne position. La petite cale sous le garde-boue arrière pour faciliter la position parking. La tige de selle à butée qui permet de retrouver toujours la bonne hauteur de selle. Etc. Rien à dire.
Petit moment magique quand, à 4, nous pénétrons dans le petit ascenseur de l’immeuble avec deux vélos Bastille pliés et le Btwin Fold Light. L’occasion de constater, une fois de plus, la praticité des vélos compacts.
Premiers coups de pédales
Hauteurs de selles réglées, nous voilà prêts à découvrir le comportement du Bastille sur la route. Une bonne demi-heure de balade dans Paris, qui nous a permis de constater une chose : la promesse est tenue. Le Bastille est un vrai bon vélo qui roule bien. On est bien installé dessus, légèrement engagé sur l’avant dans une position semi-sportive, avec un excellent contrôle de la trajectoire et des pneumatiques Continental qui assurent une filtration honnête et – surtout – une excellente accroche.
3 minutes après le départ, le Bastille passe deux tests haut la main : celui du pilotage sans les mains, et celui du wheeling. Cela prouve bien que le vélo bénéficie d’un bon équilibre. On se réserve les commentaires sur le freinage, la transmission (à courroie Gates) ou encore le développement (un moyeu intégré 3 vitesses de chez Sturmey Archer) pour le test complet du vélo. Idem pour un avis plus complet et détaillé sur ses équipements (éclairage alimenté par dynamo moyeu, garde-boue…) ou son confort.
Mais la balade nous a déjà en partie convaincus. On passe par Rivoli, on monte le rapport, on grimpe sur les pédales et en quelques secondes nous voilà propulsés à 30 km/h sans difficulté. Tout ça s’annonce très bien.
Gilles Henry nous accompagne. Petit sourire lorsqu’il nous voit prendre nos marques en quelques secondes sur le vélo. Deuxième sourire lorsqu’il nous voit partir sur un roue : « Tiens, on ne me l’avait jamais faite celle-là encore. Attention, c’est encore un prototype ». Car oui, le vélo – vendu 2590€ – ne sera livré qu’à la mi-2024, le temps que la production se fasse et que la distribution s’organise.
Vélocistes partenaires et made in France
En effet, Quentin Bernard, directeur général de Bastille, ne veut rien laisser au hasard : « Nous avons lancé les précommandes sur le site et nous commençons à prendre des rendez-vous pour faire essayer le vélo. Plus d’une centaine de créneaux ont déjà été bookés. Nous sommes en 2023 et nous pensons que l’on peut acheter un vélo en ligne si on le connaît. Mais on sait aussi qu’un vélo, ça s’essaye, ça s’entretien, ça se répare. C’est pourquoi nous sommes en train de signer avec des vélocistes sur tout le territoire pour commercialiser notre vélo. On travaille aussi sur la mise en avant en point de vente. Il faut que les gens comprennent facilement ce qu’est Bastille. Qu’il se plie malgré ses grandes roues. Qu’il n’est pas comme les autres. »
Pour nous, c’est l’occasion de toucher une nouvelle fois du doigt la réindustrialisation du vélo en France. Il y a, en effet, chez Bastille, la volonté de promouvoir le vélo made in France. Gilles Henry se revendique sans mal écologiste et les dirigeants de l’équipe nous font savoir qu’il se montre intransigeant dans certains arbitrages dès lors que l’impact environnemental du vélo est concerné. Or, réduire l’impact de la production d’un produit, quel qu’il soit, passe inévitablement par un raccourcissement des circuits d’approvisionnement.
Ainsi, comme chez Moustache ou chez Douze Cycles, on apprend que le Bastille bénéficiera d’un cadre fabriqué en France et d’un assemblage en usine française. « Bien sûr, dans l’industrie du cycle, il est impossible de se passer totalement des ateliers asiatiques qui fournissent certains composants à l’ensemble des marques du marché. Ils ont un savoir-faire et un coût de revient avec lesquels nous ne pouvons pas encore rivaliser », reconnaît le créateur du vélo.
Il n’empêche, il est très intéressant de voir le Bastille s’inscrire dans cette démarche de réindustrialisation et de reconquête de compétences permettant de fabriquer du cycle en France. On apprend d’ailleurs que le fournisseur choisi pour la création du cadre en aluminium par collage de tubes est un spécialiste de l’aéronautique, et que la colle utilisée est la même que celle des pales des turbines d’avion Rolls-Royce. Le vélo sera sinon assemblé dans l’Aube, par Cycleurope.
Bastille sera-t-il synonyme de révolution sur le marché du vélo pliant ? Nous verrons. Il en a en tout cas le pedigree. Le rendez-vous est déjà pris pour un essai longue durée en début d’année prochaine. Nous avons hâte.
- Publié le 4 décembre 2023