Patrimoine et coups de pédales : la révolution silencieuse du cyclotourisme en France
Deuxième destination préférée des touristes à vélo derrière l’Allemagne, la France s’adapte à grande vitesse à cette tendance montante.
En bref :
- La France s’impose comme l’une des destinations favorites des cyclotouristes
- Infrastructures adaptées et fermetures de routes à la circulation dopent la pratique
- Les professionnels du tourisme sont nombreux à adapter leurs offres
Prise de conscience écologique. Recherche de communion avec la nature. Bénéfices de l’exercice physique sur la santé. Prolongement récréatif d’une pratique nouvelle du quotidien. Besoin de se challenger. Inspiration des réseaux sociaux…
Nous pourrions continuer comme ça longtemps. Le fait est que les facteurs favorables au développement du cyclotourisme sont extrêmement nombreux.
La période estivale est le meilleur moment pour s’en rendre compte. Qui n’a pas croisé cet été des groupes de « bikepackers », aux vélos chargés de bagages, mollets saillants et gapette relevée ? Là où, il n’y a pas si longtemps encore, on ne croisait de cyclistes qu’à l’approche des cols, sur des vélos carbone tout droit sortis du peloton du Tour de France.
On force le trait, évidemment. Mais il est indéniable que l’attrait pour les véloroutes sillonnant nos régions s’est renforcé ces dernières années, suivant assez logiquement le boom post-covid de la pratique du vélo au quotidien.
La France, paradis des cyclotouristes ?
La France – première destination touristique mondiale – est d’ailleurs en train de s’imposer comme une destination privilégiée des cyclotouristes, même si c’est en Allemagne que les voyageurs à vélo sont les plus nombreux.
Un nouveau « marché » qui s’accompagne de l’explosion de l’offre de services pour ces voyageurs à deux roues, qui ne remplissent pas le parking mais ont besoin d’un peu de place pour sécuriser leurs vélos, de remplir régulièrement leurs gourdes, de laver quelques affaires le soir et d’un passage ponctuel par un atelier vélo en cas de pépin.
Les géants du tourisme ne s’y trompent pas et de grands groupes commencent à investir en ce sens. Les tour-opérateurs spécialisés se font également plus nombreux. Ces organismes organisent des séjours à vélo clé en main, avec transfert de bagages en option pour s’éviter de rouler chargé. Et eux aussi voient débarquer une nouvelle clientèle de touristes à vélo qui ne sont pas forcément, à la base, des cyclistes chevronés.
Les infrastructures, un boost à la pratique
Mais le tourisme à vélo, ce n’est pas qu’une histoire matérielle. Pour qu’il se développe, il faut – comme pour la pratique du vélo au quotidien – des infrastructures adaptées et accueillantes. C’est ce que constatent nos confrères du Monde à Annecy. Depuis que le lac a fait l’objet d’aménagements pour rendre le tour parfaitement cyclable, les cyclistes sont… « partout ». CQFD.
Jeunes et moins jeunes. Sportifs ou non. Entre amis. En famille. Assistés par un moteur électrique ou à la force des mollets. Les profils sont extrêmement variés.
Le journal rappelle que 500 millions d’euros ont été investis en 2019 par les collectivités pour développer le cyclotourisme, et que près de 80% du maillage prévu dans le schéma national des véloroutes était prêt avant le début de la saisons 2023.
95% des aménagements assurant la continuité des tracés EuroVelo sur le territoire national sont également réalisés. L’an dernier, ces véloroutes européennes ont enregistré une hausse de 11% de leur fréquentation en France, à l’image du succès de la Vélodyssée (de Roscoff à Hendaye), tronçon de l’EuroVelo reliant la Norvège au Portugal.
6 500 professionnels labellisés « Accueil Vélo »
Vous l’avez peut-être déjà croisé : un label Accueil Vélo se déploie en France depuis quelques années. Toujours selon Le Monde, près de 6 500 établissements l’affichent à l’heure actuelle.
Il s’agit essentiellement d’hôtels et de campings, mais aussi des office de tourisme, ports et gares qui, tous, prennent l’engagement de proposer des solutions de stationnement adaptées aux vélos, de pouvoir renseigner les cyclistes sur les itinéraires à suivre et d’avoir quelques outils à disposition pour les aider à faire face à une avarie matérielle.
Côté hébergement, il est aussi question de pouvoir assurer un petit déjeuner copieux. Car c’est connu, le cycliste aime partir avec de l’énergie en réserve. Et Le Monde de citer cet exemple parlant parmi tant d’autres : au lac du Bourget, on peut désormais embarquer sur des navettes équipées pour transporter à une trentaine de vélos, suspendus à l’arrière. La prestation est même gratuite.
En montagne, les fermetures de route comme levier
La montagne reste, évidemment, terre de cyclisme. Et en altitude, le cyclotourisme est au cœur d’un dilemme qui agite de plus en plus de territoires : faut-il réserver aux seuls vélos certains cols et montées à des horaires précis ?
Dans les Hautes-Alpes, les expérimentations – lancées il y a plusieurs années – ont laissé place à une pratique désormais bien ancrée. Les cols mythiques, qui sont des « produits d’appel touristiques d’exception », attirent les cyclistes et leurs familles. Et à chaque fermeture programmée, le nombre de vélos s’élançant à la conquête d’un col s’emballe.
Interrogé par La Gazette des Communes, le directeur de l’office du tourisme confirme : « A chaque date de fermeture du Galibier, nous y comptons environ 800 passages (…) Plus qu’une sécurité, c’est un confort que nous apportons aux pratiquants. La route étant libre, on peut se déhancher et naviguer, on profite de la nature, il n’y a pas de bruit ».
Et cela va même plus loin, avec l’organisation de fermetures itératives de grands cols sur une semaine. De cette manière, l’office de tourisme peut communiquer sur « la tournée de grands cols ». C’est par exemple le cas début juillet, avec la fermeture de 5 cols sur une semaine dans les Hautes-Alpes.
Le cycliste, un touriste plus dépensier
Une politique touristique qui fait des petits, comme dans les Vosges, où pour la 3e année consécutive des fermetures ont été programmées dans le massif pour attirer les cyclistes. Souvent avec un succès grandissant, certaines journées ayant connu des affluences doublées par rapport à 2022, et un public élargi au-delà des cyclosportifs, plus familial.
« Les cyclistes sont des clients intéressants pour une économie locale, car ils sont souvent de catégories socio-professionnelles aisées, sont actifs, ont envie de se déstresser (…) En 2013, une étude que nous avions commandée avait révélé qu’un cycliste dépense 115€ par jour, contre 70€ pour un automobiliste », révèle le directeur d’Alsace Destination Tourisme.
Mais bien sûr, ces fermetures de routes ne font pas que des heureux. Certains commerçants et restaurateurs s’y opposent, y voyant un frein à la venue de leur clientèle. D’autres jouent le jeu, tant que les fermetures ne sont pas trop fréquentes et font l’objet de communications importantes pour en faire des événements festifs ponctuels. Et puis il faut l’accord des communes, et donc que leurs habitants les acceptent plutôt qu’ils ne les subissent, même si les zones en question sont généralement peu habitées.
Les stations, elles, en profitent. Car cette économie du cyclotourisme leur permet de gagner en vitalité en dehors de la période hivernale. Des stations qui, au départ, avaient surtout structuré leur activité cyclo autour de la pratique du VTT, mais qui élargissent leur champ de vision à tous les cyclistes, voyant par exemple d’un bon œil se développer le gravel. Aujourd’hui, elles ne manquent pas une occasion de faire du vélo un fête familiale, pas uniquement pour ceux qui roulent.
- Publié le 19 août 2023