L’Europe veut revoir les règles pour les vélos électriques : inquiétudes chez les fabricants et les associations
L’Union européenne a l’intention de réviser la réglementation sur les véhicules, entrainant aussi des modifications des règles concernant les vélos électriques. Cela a immédiatement suscité des inquiétudes dans le secteur : les vélos électriques resteront-ils classés comme des bicyclettes ? L’industrie craint la mise en œuvre d’une homologation par type et dal mise en place d’une réglementation restrictive.

En bref :
- En 2025, la Commission Européenne va revoir la réglementation des véhicules dont le statut particulier des vélos à assistance électrique assimilés à des vélos musculaires.
- Proactifs, les différents acteurs proposent des critères spécifiques pour définir un vélo électrique (puissance maximale en crête de 750 W, rapport d’assistance de 1 à 4 (1 à 6 jusqu’à 15 km/h), poids total de 250 kg).
- La question se pose également en tout terrain (VTTAE) où la course à la puissance est remise en question.
L’association allemande de l’industrie du vélo, ZIV, en concertation avec la fédération européenne CONEBI, a lancé une consultation et des discussions techniques entre ses membres sur les futures réglementations des vélos électriques.
« L’équivalence juridique avec les vélos a été la base du succès du vélo électrique. Pour garantir cette équivalence sur le long terme, nous proposons une définition plus précise et des paramètres limitatifs pour les vélos électriques »,
Tim Salatzki, responsable Technologie et Normalisation chez ZIV et du groupe de travail correspondant chez CONEBI
« Au départ, l’industrie voulait limiter la puissance maximale du moteur à 600 W, mais elle a été relevée à 750 W », a écrit l’expert Hannes Neupert cette semaine. Selon lui, ce qui caractérise un vélo et sa sécurité, ce n’est pas la puissance du moteur, mais l’accélération réelle et la vitesse maximale. Il suggère de clarifier la définition du vélo pour éviter l’application du règlement d’exception UE 168/2013. Ce dernier fixe les exigences techniques et administratives (homologation, immatriculation, assurance, permis, etc.) pour les véhicules motorisés légers et fait le distinguo entre vélos électriques et les autres dont les trottinettes électriques, speed bike et scooters électriques.

Neupert avait proposé une nouvelle définition du vélo/vélo électrique dès 2018. D’après lui, la limitation de puissance maximale bride l’innovation et les développements du marché.
« Une puissance moteur plus élevée, si l’accélération est régulée, améliorera la sécurité et favorisera une croissance massive du marché. Les vélos cargos, tandems, ou modèles pour personnes handicapées pourraient alors gravir des pentes à au moins 15 km/h, une vitesse jugée sûre selon les études sur les accidents. »
Il critique également le bridage à 750 W : « C’est une attaque contre les personnes handicapées, les personnes âgées, les utilisateurs de tandems, les transporteurs et les familles ! La position du ZIV/CONEBI cherche seulement à préserver le marché actuel des vélos électriques à court terme, sacrifiant la transition vers une mobilité durable sur l’autel du profit rapide. »
Le vélo électrique reste avant tout un vélo
Le vélo électrique, légalement appelé Vélo à assistance électrique (VAE), est le moteur principal de l’électromobilité en Europe. Rien qu’en Allemagne, on compte environ 16 millions d’unités, ce qui en fait un pilier de l’industrie cycliste allemande.
Cette assimilation juridique aux vélos à propulsion humaine (et donc l’exemption du règlement 168/2013 sur l’homologation) repose sur leurs caractéristiques de conduite comparables : l’activité physique du cycliste influe directement sur la conduite.
« Le vélo, qu’il soit classique ou électrique, reste une forme de mobilité active. Tout véhicule à moteur électrique pouvant rouler sans effort physique ne peut pas être considéré comme un vélo, ni donc comme un vélo électrique au sens des futures définitions », insiste Salatzki.
Pour le ZIV et CONEBI, limiter la puissance du moteur permet de préserver le comportement cycliste du vélo électrique, et d’éviter toute assimilation aux cyclomoteurs ou petites motos.
« Pour conserver le statut juridique actuel, nous voulons mieux définir les paramètres techniques des vélos électriques. Mais les spécifications actuelles du règlement (UE) 168/2013, concernant la puissance nominale continue et la vitesse maximale d’assistance, nous paraissent raisonnables », ajoute Salatzki.
Les organisations proposent donc les critères suivants pour définir un vélo électrique :
- Un rapport d’assistance de 1:4 (400%).
- Un rapport d’assistance allant jusqu’à 1:6 pour une vitesse maximale de 15 km/h (600%) (utile pour les vélos cargo).
- Une puissance maximale de 750 W à la roue motrice.
- Poids total max. de 250 kg pour un vélo électrique (une voie).
- Poids total max. de 300 kg pour un vélo électrique à plusieurs voies (modèle large pour le transport).
- Les vélos cargos au-delà de 300 kg seront traités selon la norme DIN EN 17860-4:2025.
Notons que le vélo à assistance électrique ne nécessite pas d’assurance spécifique pour circuler. Le cycliste est couvert par l’assurance habitation multirisque de son habitation ce qui n’est pas le cas pour les EDPM (Engin de déplacement personnel motorisés) comme les trottinettes électriques, les gyroroues, les draisiennes électriques, les hoverboards, les skates électriques, etc. qui nécessitent obligatoirement une assurance dédiée tout en étant strictement interdit aux moins de 14 ans. Précisions également que le moteur des trottinettes électriques peut atteindre 1000 W en crête, mais la vitesse reste bridée à 25 km/h.
Un questionnement équivalent dans le monde du VTT électrique
Le magazine allemand E-MOUNTAINBIKE a également organisé un colloque international réunissant plus de 60 représentants de plus de 30 marques mondiales, dont des PDG de Bosch, Specialized, FOCUS, P2/Porsche, SRAM, Mahle, Pivot Europe, Yeti Europe, ainsi que de nombreux chefs de produits, ingénieurs et experts en marketing.

L’objectif principal de cet événement était d’analyser les risques actuels et les défis auxquels est confrontée l’industrie du VTT électrique (eMTB), notamment la course aux performances extrêmes et les conséquences potentielles sur la réglementation et la perception des consommateurs.
Il en est ressorti que l’industrie, les influenceurs, les médias et les consommateurs font la promotion des spécifications techniques extrêmes (puissance, couple, capacité de batterie) au détriment de l’expérience utilisateur réelle.
Cette augmentation des performances pourrait entraîner une reclassification des eMTB, les soumettant à des réglementations plus strictes (homologation, assurance, interdictions d’accès aux sentiers). L’ensemble de l’écosystème est appelé à prendre conscience de ces enjeux et à agir de manière responsable pour préserver la liberté et l’accessibilité du VTT électrique.

Des discussions sont en cours pour limiter la puissance des moteurs à 750 watts, afin de maintenir les VTTAE dans la catégorie des bicyclettes et d’éviter des réglementations plus contraignantes. Des parallèles sont établis avec d’autres industries, comme la Formule 1, pour comprendre comment l’innovation peut être encadrée sans nuire à la performance ou à l’attrait du produit.
Bosch, en tant que leader du marché européen du VAE, a tout intérêt à préserver le cadre réglementaire actuel, qui limite la puissance à 250 W (nominale continue) ou 600 W en crête pour les moteurs Performance Line CX et Cargo Line de Bosch par exemple. En proposant une limite à 750 W, Bosch montre une ouverture face à l’évolution du marché, tout en gardant un seuil contrôlé qui ne dénature pas l’usage cycliste du VAE et bloque indirectement les concurrents asiatiques, comme DJI, qui misent sur des moteurs plus puissants (850 W, voire plus) pour se différencier.
C’est d’autant plus vrai que lors de la présentation des résultats de l’enquête publiée par E-Mountainbike Magazine, le moteur DJI Avinox et le vélo AMflow étaient privilégiés comme prochain achat par la majorité des 2400 pratiquants ayant répondu aux sondages.
Reste que malgré une limite de vitesse à 25km/h, les vélos deviennent toujours plus lourds et plus puissants. Même si dans le domaine du VTT, la course à la légèreté reste un point d’amélioration. Force est de constater que les vélos électriques et musculaires sont de plus en plus lourds avec des pneus de plus en plus larges, c’est vrai dans le monde du VTT, mais aussi dans celui du gravel. L’arrivée du moteur DJI a fait baisser le poids des modèles haut de gamme, mais ce moteur est plus puissant que ses concurrents.
Moteur plus puissant, pneus plus larges, vélo plus lourd, autonomie plus élevée. Les amateurs de VTTAE roulent plus longtemps (autonomie) et plus vite (puissance moteur en montée) avec un impact plus important sur les sentiers. Il est donc important de communiquer auprès des vététistes, mais aussi institutions publiques pour les aider dans leurs réflexions et éviter des interdictions de pratique par manque de connaissances comme le propose la Mountain Bikers Foundation qui œuvre pour que la pratique du VTT puisse perdurer le plus longtemps possible.
Source : Bike-Europe et Ebike-MTB
- Publié le 21 avril 2025