Vélo et société

Dubaï veut devenir la ville la plus cyclable du monde en 2040. Pardon ?

93 km de lieu de vie cyclable climatisé et une vision de l’après pétrole qui ressemble à de la science-fiction, tel est le projet Dubaï Cycle City 2040 présenté par les Emirats Arabes Unis en ouverture de la COP28.

A l’intérieur de The Loop, projet pharaonique de Dubaï à l’horizon 2040. © URB

En bref :

  • La COP28 s’ouvre aujourd’hui à Dubaï. A cette occasion, les Emirats Arabes Unis présentent un ambitieux projet de ville cyclable.
  • L’agence d’urbanisme URB a imaginé The Loop, un immense lieu de vie, de travail, de culture (et même d’agriculture !) protégé de la chaleur du désert, et cyclable.
  • Un imaginaire techno-solutionniste et futuriste défendu par un pays qui vit « par et pour » le pétrole, rappellent des militants.

La piste de footing climatisée de Doha, au Qatar, avait déjà égratigné notre fibre écologiste durant la Coupe du monde 2022 de football. Elle était, pour rappel, présentée comme « le seul endroit pour faire de l’exercice dehors », dans la chaleur ambiante du désert.

Mais que devrions-nous dire du greenwashing opéré par les Emirats Arabes Unis, pays membre de l’OPEP qui a construit sa richesse sur la vente de pétrole, alors que s’ouvre aujourd’hui à Dubaï la COP28 ? Car oui, Dubaï a un projet extrêmement vertueux pour l’environnement à présenter : le Dubaï Cycle City 2040. Non, ce n’est pas une blague.

Envierons-nous la cyclabilité de Dubaï en 2040 ?

L’idée ? Faire de Dubaï une ville modèle en matière de cyclabilité, alors qu’elle est aujourd’hui le paradis des SUV. Pour y arriver, l’agence d’architecture et d’urbanisme URB imagine The Loop, un lieu de vie cyclable – et climatisé, évidemment ! – de 93 kilomètres de long accessible à quelque 3 millions de résidents de l’émirat. On vous laisse imaginer les pollutions, dégâts sociaux et environnementaux d’un tel projet pharaonique.

Le futur de Dubaï. © URB

Mais si Dubaï se plaît à rêver d’une ville moderne « paradisiaque » en plein désert où, pour se déplacer, travailler, cultiver, faire de l’exercice, se rencontrer, se divertir… on ne respire jamais l’air extérieur, c’est parce que l’aménagement urbain et l’adaptation des villes au changement climatique est le thème principal de cette COP28.

Ce rendez-vous où les grands dirigeants de notre monde doivent acter des politiques à adopter pour rendre nos sociétés plus résilientes aux changements inéluctablement induits par le réchauffement global, accélérés par une dépendance toujours plus forte au pétrole. En effet, la demande mondiale de pétrole établira un nouveau record cette année selon l’Agence internationale de l’énergie.

Quand résilience pragmatique et imaginaire s’affrontent

Alors bien sûr, Dubaï fait le maximum pour que l’on adhère à sa vision de la Cycle City 2040, une échéance assez lointaine pour laisser la technologie évoluer et rendre le projet viable. The Loop doit, par exemple, être alimenté en énergie renouvelable (solaire) et même transformer les pas des badauds en électricité.

The Loop vu de l’extérieur. © URB

Les visuels fournis sont on ne peut plus alléchants pour les fans de science-fiction verte. On dit souvent qu’il faut à nos sociétés des imaginaires vertueux vers lesquels attirer les citoyens afin qu’ils adhèrent et soient moteurs des changements radicaux mais nécessaires de nos modes de vie face à l’urgence climatique.

Pour autant, est-ce que ce sont ces modèles qui doivent prédominer ? Peut-on réellement penser que des oasis technologiques climatisés construits dans le désert sont une solution viable aux défis qui attendent l’humanité ? La question est posée.

© URB

Toujours est-il que c’est la vision que les Emirats Arabes Unis ont décidé de défendre dans le cadre de la COP28, et que c’est de cette manière que Dubaï s’imagine dans l’ère de l’après pétrole. On pourra toujours se consoler en se disant qu’au moins, on parle – un peu – de vélo.

Dubaï imagine à ce titre pouvoir proposer plus de 1000 km de pistes cyclables d’ici à 2040. En extérieur, celles-ci devront être protégées, à l’ombre de la végétation pour les rendre praticables toute la journée. Et lorsque les voiries ne permettront pas de les construire entre la route et le trottoir, alors les pistes cyclables seront carrément construites tels des ponts, en étage. Une superposition qui permettrait de créer facilement des « hubs cyclistes » en s’affranchissant des constructions routières et autoroutières déjà existantes.

© URB

Pendant ce temps-là, à Bordeaux, le collectif Scientist Rebellion organise une « COP alternative » en dénonçant la tenue d’une conférence climat à Dubaï. « Cette année, Dubaï représente une supercherie totale« , estime Romain Grard, coordinateur du collectif qui rappelle que les Emirats Arabes Unis vivent « par et pour le pétrole ».

Sources : Weelz! ; URB ; Le Monde

  • Publié le 30 novembre 2023

En banlieue parisienne, ce quadra père de 2 enfants pratique le vélo au quotidien de manière (assez) sportive, sur route et en dehors. A des envies de longues randonnées à la découverte de nouveaux paysages.

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