Vélo et société

Abandon du Plan Vélo : un signal désastreux pour toute l’économie du vélo en France

L’arrêt du Plan Vélo, ce ne sont pas seulement des pistes cyclables qui ne verront pas le jour ou des aides à l’achat qui vont disparaître, mais c’est également un coup de poignard pour les entreprises du secteur en France dans un revirement de situation inédit (et incompréhensible).

© Unsplash – Lance Grandahl

En bref :

  • La filière France Vélo, qui représente les entreprises du secteur, rejoint les associations d’utilisateurs et les collectivités locales dans leur combat pour la sauvegarde du Plan Vélo.
  • Les dés semblent malheureusement jetés mais il est primordial que la pression soit mise sur le gouvernement pour que le développement du vélo puisse continuer à être encouragé en France.
  • De nombreuses études ont démontré l’intérêt économique du vélo, créateur d’emplois locaux, alors que la commande d’infrastructures cyclables fait également vivre de nombreuses entreprises de travaux publics.

Le Plan Vélo, c’est pour rappel cet ambitieux plan d’accélération des politiques cyclables en France, mis en place par Elisabeth Borne avec un financement à hauteur de 2 milliards d’euros jusqu’en 2027. C’est ce même plan qui a totalement disparu du budget 2025 de l’Etat, sacrifié sur l’autel de l’équilibre budgétaire et faisant les frais d’un « dérapage historique des finances publiques ».

En réalité, il en reste quand même une trace dans le texte de loi débattu au Parlement : 100 millions d’euros de liquidités, qui ne sont là qu’en guide de crédits de paiement, sur des opérations déjà commandées/effectuées. « Tous les engagements de l’Etat à ce jour seront assurés », a promis le ministre des Transports, François Durovray.

Autrement dit, l’Etat n’accompagnera plus les collectivités dans leurs besoins de financement pour de nouveaux aménagements cyclables (pistes, voies, stationnement, etc.), laissant notamment sans solution les nombreux projets sélectionnés dans le cadre du dernier appel à projets national. Dès lors, plusieurs mairies, communes et régions ont, ensemble, publié une lettre ouverte et lancé une pétition invitant le gouvernement à ne pas mettre ce coup d’arrêt tout simplement jugé « inacceptable ».

Ils sont rejoints depuis quelques jours par les représentants de la filière industrielle du vélo en France, par l’intermédiaire de France Vélo. Dans une lettre intitulée « Sauvons le plan vélo », ce représentant des acteurs économiques du vélo en France se dit inquiet et regrette l’absence de financements pour le Fonds de Mobilités Actives et la fin des aides à l’acquisition de vélos dès le mois de janvier 2025. Deux décisions qui auront « de lourdes de conséquences pour l’ensemble de la filière économique du vélo ».

Des conséquences économiques calamiteuses

Car il ne faut pas l’oublier, en encourageant la pratique du vélo à travers ces investissements, l’Etat opérait une politique publique favorable à l’environnement et à la santé publique, mais également à l’économie avec l’ambition de rapatrier les savoir-faire, structurer un tissus industriel vivace et (re)faire de la France un pays fabricant de vélo (et pas seulement assembleur).

Une situation d’autant plus incompréhensible pour les entreprises du secteur qu’au mois de juin 2024, six ministres avaient signé un contrat avec la filière vélo, s’engageant à porter des projets majeurs. Or, à ce jour, la simple énonciation de l’arrêt du Plan Vélo a déjà des retombées négatives sur l’écosystème.

« L’économie du vélo représente aujourd’hui 50 000 emplois en France. Secteur d’avenir, elle porte l’emploi local et incarne les enjeux de la transition écologique. Le tourisme à vélo est par exemple un tourisme durable à forte valeur ajoutée : les touristes à vélo, qui viennent pour 20% de l’étranger, dépensent localement 20% de plus par jour que les autres touristes. Bon pour l’économie, le vélo est aussi vertueux en matière de santé publique : 1 km en vélo, c’est un euro d’économisé en frais de santé », rappelle France Vélo.

Effet boule de neige ?

Et ce mauvais signal intervient alors que l’industrie est déjà en difficulté, avec des ventes de vélos en recul après quelques années d’euphorie. On a ainsi l’impression qu’en sacrifiant la sécurité des cyclistes et la lutte contre le réchauffement climatique, le gouvernement sacrifie également une politique industrielle qui avait du sens et de l’avenir. Comme le rappellent plusieurs professionnels, l’aide à l’achat d’un vélo cargo, par exemple, était souvent décisive dans la décision d’achat et jouait le rôle de facteur d’égalité d’accès à cette mobilité.

Le pire ? Les acteurs du secteur craignent que sans accompagnement de l’Etat, les collectivités se mettent elles-mêmes à abandonner leurs investissements dans les infrastructures et dispositifs d’aide à l’achat, ce qui ne ferait qu’aggraver la situation. Sans oublier que cette décision va à l’encontre des engagements pris au niveau européen : il y a un an, la Commission européenne prenait 8 engagements majeurs pour développer l’usage du vélo, et il y a quelques mois seulement, elle reconnaissait le vélo comme un élément essentiel de sa stratégie de mobilité.

« La filière économique du vélo demande au gouvernement des signaux forts en faveur des mobilités actives et s’associe totalement aux démarches portées par l’Alliance pour le vélo, notamment les communiqués de presse de la FUB ou la lettre ouverte du Club des Villes et territoires cyclables et marchables et de Vélo & territoires », termine France Vélo.

Violences routières : le sondage qui a besoin de vous

Quant au ministre François Durovray, il estime être surtout attendu sur l’apaisement des tensions entre usagers de la route après la mort tragique du jeune cycliste Paul Varry, écrasé par un SUV à Paris suite à une altercation. Il a notamment diligenté une mission contre les violences routières confiée à Emmanuel Barbe, dont les antécédents ne plaident pas forcément pour une bonne considération des cyclistes.

« Comment pourrions-nous protéger plus efficacement les cyclistes tout en mettant un coup d’arrêt à la réalisation d’aménagements cyclables par les collectivités ? » avait, à juste titre, répondu le sénateur Olivier Jacquin au ministre à l’occasion de son audition par le Sénat.

De notre côté, nous vous invitons à passer quelques minutes pour faire vos propositions sur cette interface mise en ligne par nos confrères de Weelz! et à lire cet article qui explique leur (excellente) démarche. L’idée est toute simple : ils vont compiler l’ensemble des suggestions, remarques, idées, doléances et propositions émanant de nous autres, cyclistes du quotidien, pour les présenter dans quelques semaines à Emmanuel Barbe. Ce dernier aura ainsi à disposition un panel complet de réflexions de cyclistes avant d’avancer ses conclusions.

On ne va quand même pas se priver d’avoir une petite tribune, chacun à notre échelle, sur ce sujet… D’ailleurs, n’hésitez pas à partager cette initiative autour de vous, via vos réseaux, etc.

  • Publié le 25 novembre 2024

En banlieue parisienne, ce quadra père de 2 enfants pratique le vélo au quotidien de manière (assez) sportive, sur route et en dehors. A des envies de longues randonnées à la découverte de nouveaux paysages.

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